Le texte suivant parle de Taiji Quan, ce qui est la traduction en Pinyin de Tai Chi Chuan. Le pinyin est une transcription phonétique du chinois qui a été instaurée en 1977 par la république populaire de Chine. La langue officielle parlée (chinois mandarin) utilise le terme de Tai Chi Chuan. J’ai trouvé ce texte dans une revue éditée par une école d’ostéopathie. Il contient des aspects essentiels sur notre art et est bien écrit, donc je vous le livre tel quel :
Technique de santé ou Art de combat
Le Taiji Quan est une technique du corps qui remplit ces deux fonctions :
Art de combat, il est en même temps considéré comme technique de santé à laquelle on peut avoir recours pour guérir ou prévenir un certain nombre de troubles ou de maladies.
Nous allons tenter, dans cette brève introduction, de dégager quelques-unes de ses caractéristiques et de ses avantages en tant que technique paramédicale.
Mais tout d’abord, examinons la signification de son appellation Taiji et Quan. Le terme Taiji signifie littéralement « grand faîte » ou « faîte suprême ». Il faut entendre faîte dans le sens de faîte d’un toit ou d’un pilier.
Ce terme recouvre un des concepts fondamentaux de la pensée chinoise. Le Taiji est une sorte de mouvement qui, du commencement des temps, sépare le chaos primordial en deux principes opposés et complémentaires (le Yin et le Yang, pôle positif et pôle négatif, masculin et féminin) que les anciens Chinois considéraient comme intrinsèques à tous les phénomènes de la nature.
Le Taiji doit donc être considéré comme un « agent premier », une espèce de modèle dynamique de l’essence de tout phénomène naturel ou organique. On le figure d’habitude sous la forme d’un grand cercle séparé en deux parties égales par deux demi-cercles de part et d’autre de son centre. Cette image représente en même temps la différence, la complémentarité et te mouvement des deux pôles qui s’enlacent et permutent dans un mouvement perpétuel.
Si la discipline qui nous intéresse porte ce nom : Taiji Quan, c’est-à-dire poing ou boxe du grand faîte, les raisons invoquées traditionnellement sont nombreuses.
Nous pouvons en énumérer quelques-unes : d’abord, de même que le Taiji est à la fois Yin et Yang, de même le mouvement du Taiji Quan consiste en une alternance de plein et de vide, deux termes qui dans les disciplines du corps chinoises désignent les deux principes Yin et Yang.
Le corps lui-même pendant l’exercice est considéré comme un équilibre de plein et de vide. Pendant la pratique, le corps doit être détendu, la poitrine légèrement rentrée, le dos légèrement arrondi, les épaules et les coudes descendus.
La respiration se pratique par l’abdomen et l’énergie (le Qi) qui est liée au processus respiratoire doit être perçue comme rassemblée dans le point dit Champ de Cinabre qui se trouve à quelques centimètres au-dessous du nombril. Ainsi, l’abdomen est considéré comme plein et la poitrine toujours relâchée comme vide. Plus généralement, le haut du corps comme vide et le bas du corps comme plein. De plus, la figure traditionnelle du Taiji est un cercle et cette forme circulaire se retrouve à chaque instant de la pratique du Taiji Quan, dans les mouvements duquel la forme ronde est toujours prédominante.
Une autre dénomination du Taiji est celle de « Grand Commencement », car il est à l’origine du ciel et de la terre ; il est également considéré comme la forme la plus ancienne et la plus haute de toutes les boxes.
Si l’on considère le Taiji sous son premier aspect, celui d’art de combat, il faut d’abord souligner ce qui le distingue des autres disciplines du même ordre, tant chinoises que japonaises.
Dans les arts martiaux, le mouvement nécessite toujours l’emploi dominant de la force physique, comme par exemple le karaté.
Le Taiji, quant à lui, considère que le moteur du déplacement est de façon préférentielle la pensée, l’attention consciente. Pendant l’exécution du mouvement, le corps est souple et relâché. Le mouvement lui-même ne recherche pas la vitesse mais, dans un premier temps la lenteur.
Ainsi, même si le Taiji Quan est employé comme une méthode de combat, les principes auxquels il recourt à cette fin sont diamétralement opposés à ceux des boxes « dures ».
Ceux qui pratiquent ces dernières recherchent avant tout à « avancer directement sur l’adversaire afin de porter le premier coup ». Celui qui pratique le Taiji Quan « attend au contraire le mouvement de l’adversaire pour le transformer à son profit avant de frapper ».
D’autre part, le contrôle de la pensée ne peut, dans les boxes qui mettent en avant l’usage de la force physique et de la vitesse, s’exercer qu’à deux moments bien précis : c’est-à-dire au début et à la fin de chaque déplacement, le mouvement lui-même s’exécutant trop violemment pour être contrôlé.
Un coup de poing ou un coup de pieds une fois lancé suivra sa trajectoire jusqu’au bout, sans que celle-ci puisse être modifiée. Dans le Taiji Quan, au contraire, la lenteur, la souplesse et l’enchaînement des figures permettent un contrôle constant de l’attention.
En fait, mouvement et immobilité s’y succèdent sans rupture. A chaque instant, le mouvement peut être arrêté puis repris dans une autre direction, sans que jamais le corps ne soit en déséquilibre. Le mouvement ne se laisse jamais emporter par sa propre force mais reste toujours sous le contrôle de la pensée. Cette importance de l’attention consciente, ainsi d’ailleurs que celle de la respiration, est une des particularités du Taiji Quan considéré comme art de combat.
Mais d’autre part, le Taiji Quan est également une technique utilisée en Chine pour accroître la vigueur du corps, lutter contre la maladie et assurer à celui qui le pratique, quel que soit son âge, une excellente forme physique. Nous allons maintenant étudier quelques-uns de ses effets en tant que technique de santé.
Tout d’abord, le Taiji Quan peut être considéré comme un exercice complet. En cela, il pourrait être comparé à la natation. Mais si celle-ci nécessite un effort physique plus important, la précision et l’extrême coordination de l’ensemble du corps requis par le Taiji, ainsi que l’exigence particulière qu’il impose de faire participer l’ensemble du corps au mouvement de chacune de ses parties, en font une gymnastique particulièrement efficace.
La discipline du Taiji Quan repose sur un enchaînement de postures qui développent la souplesse des muscles et des articulations. Mais ce travail agit également à deux autres niveaux. Il s’applique d’une part à la régulation du mouvement respiratoire et du mouvement du diaphragme, ce qui, dans la conception de la médecine chinoise traditionnelle, entraîne une stimulation de l’activité des organes internes : cœur, poumons, reins, estomac…. d’autre part, chacun des mouvements du Taiji exige d’être dirigé par la pensée, par une attention constante qui, chassant les associations mentales perturbantes, installe au fur et à mesure de sa pratique un calme de plus en plus profond, et permet un fonctionnement plus régulier et plus harmonieux du système nerveux central.
Ainsi, le Taiji est une méthode qui unit les bienfaits d’un travail sur les muscles et les articulations à ceux d’un travail de régulation de la respiration et de relaxation profonde, propre d’habitude aux techniques de méditation assise.
Les mouvements du Taiji développent souplesse et activité, mais développent aussi ce que l’on appelle la conscience du mouvement au sein de l’immobilité et de l’immobilité au sein du mouvement.
Aussi, les sujets qui souffrent d’un excès de nervosité ou, au contraire, d’un manque de tonus peuvent-ils insensiblement en recevoir une influence positive. Car, si la recherche de la souplesse et de l’agilité de cette technique peut convenir aux uns, celle du calme et de la tranquillité d’esprit peut permettre aux autres de maîtriser leur nervosité excessive. C’est sous cet aspect que le Taiji est considéré en Chine comme une technique de soutien psychologique.
D’autre part, le Taiji ne requiert nulle condition physique exceptionnelle et peut être pratiqué à tout âge, sans effets néfastes. La plupart des sports exigent toujours un certain degré de forme physique et un bon état général. Aussi, conviennent-ils mal aux personnes âgées et aux malades qui, comme dit le proverbe, peuvent regarder avec envie ceux qui les pratiquent, mais sans espoir de les faire eux-mêmes un jour. Le Taiji Quan s’adapte aux personnes en bonne santé aussi bien qu’aux malades auxquels il peut apporter une aide effective.
En Chine, la conception traditionnelle de la médecine pose comme l’origine de nombreuses maladies la « dysrythmie de la circulation de l’énergie et de la circulation du sang ». A notre avis, cette formule décrit une perte de coordination entre le fonctionnement du système nerveux et celui du système cardio-vasculaire.
La conception chinoise met dans ce cas l’accent sur la nécessité de tonifier l’organisme du malade afin de lui donner la possibilité de se rééquilibrer lui-même.
L’acupuncture et les massages usent à cette fin de piqûres ou de pression pour stimuler le système nerveux. La méthode du Taiji, quant à elle, utilise l’action des mouvements musculaires sur les réseaux nerveux.
L’enchaînement du Taiji Quan a donc, vu sous cet aspect, une fonction d’automassage.
De plus, la pratique de l’enchaînement équilibre la respiration et régule de ce fait le rythme cardiaque et la circulation sanguine. Grâce au contrôle permanent de l’attention qu’il exige, il chasse les pensées perturbantes et permet d’obtenir une concentration complète de l’esprit et un état émotionnel calme. Ce processus assure aux centres nerveux un meilleur fonctionnement et développe la capacité de surmonter de nombreux troubles.
Nous voudrions souligner plus particulièrement l’effet que cette discipline peut avoir sur les états dépressifs. Les dépressions nerveuses peuvent avoir des symptômes nombreux, mais le plus important est le dérèglement du fonctionnement cortical dont l’excès retentit sur l’ensemble du métabolisme. Les causes de la dépression nerveuse peuvent être un excès de souci, la persistance de facteurs psychologiques néfastes ou un mode de vie ou de vie professionnelle non équilibrés qui entraînent un excès d’activité corticale et provoque des phénomènes tels que : perte de mémoire, abattement, etc. Le Taiji est considéré comme ayant une action positive de cure et de prévention de la dépression nerveuse ainsi que d’autres troubles de même origine.
Les apports caractéristiques du Taiji (recherche d’une fusion du mouvement et de la tranquillité, focalisation du processus de pensée sur le corps en mouvement) induisent une activité régulière des centres corticaux du mouvement qui intègre progressivement l’activité des autres centres cérébraux et leur donne un rythme plus calme et plus équilibré. Pour cette raison, le Taiji Quan est considéré en Chine comme une méthode particulièrement efficace de relaxation active.
On sait d’autre part que les nécessités de la vie professionnelle exigent dans bien des cas une grande attention, une intense activité des cellules du cortex et un contrôle incessant des centres cérébraux concernés. Cette activité intense et prolongée tout au long de la journée entraîne un affaiblissement progressif de la capacité de travail et rend nécessaire le repos. Une pratique quotidienne du Taiji permet aux centres cérébraux surchargés un fonctionnement plus équilibré et ainsi de remplir leur fonction de manière plus harmonieuse. On peut d’ailleurs en ressentir aisément les effets. Après une séance de Taiji, l’esprit est toujours clair et détendu, comme si le cerveau avait été lavé dans une eau fraîche.
La pratique du Taiji se fonde sur un certain nombre de principes comme :
– la liaison de l’intérieur et de l’extérieur,
– la coordination du haut et du bas du corps,
– la recherche d’un mouvement exécuté d’un seul souffle, c’est-à-dire sans nulle rupture.
– le corps doit y réagir au moindre mouvement de la pensée,
– la respiration doit être naturelle,
– chaque mouvement doit être accompagné par tout te corps.
Tous ces principes ne rendent certes pas la pratique de cette discipline aisée dès l’abord ; mais, très vite, même les débutants en ressentiront une saveur très particulière. Il unit le psychisme, l’émotion, les sens de la vue, de l’ouïe, du toucher en une synthèse globale qui donne une sensation extraordinaire de joie et d’aisance à celui qui le pratique. Cet exercice agit donc comme facteur de régulation de l’activité du système nerveux et des fonctions du cerveau. Il exige, à tous les degrés de sa pratique, une concentration de la force de l’attention sans laquelle l’exécution de ses mouvements devient impossible. Ainsi, le travail de coordination qu’il opère entraîne une amélioration de l’état général du cerveau.
Nous allons ensuite étudier le rôle que le Taiji peut avoir sur les maladies cardiaques. Les malades qui souffrent d’une déficience cardiaque présentent souvent, après tout effort physique, des symptômes d’essoufflement et de tachycardie. Cela les entraîne à garder le lit pendant des périodes de plus en plus longues. Mais, dans cette situation, leur organisme s’affaiblit peu à peu et on peut constater à la longue un affaiblissement encore plus grand du muscle cardiaque.
Ainsi, si après une période de repos trop longue, il arrive au malade de faire quelque effort plus important ou de subir un choc sous le coup d’une émotion ou d’une excitation quelconque, un nouvel accident cardiaque peut facilement arriver. Un excès de non-activité peut donc se révéler néfaste pour le fonctionnement cardiaque, non seulement pour les malades mais aussi pour les personnes en bonne santé.
Le Taiji a une efficacité thérapeutique certaine sur les maladies du cœur et des voies respiratoires. Il harmonise l’ensemble du corps avec le système nerveux central et augmente la capacité respiratoire et l’oxygénation. Ses mouvements, qui ne sont pas seule ment tension et détente musculaire, mais aussi mouvement en spirale et pas en vrille, ont, à cause de cette particularité, une action particulièrement efficace sur les voies respiratoires et la capacité thoracique qu’ils peuvent contribuer à augmenter notablement. Ils aident également la circulation artérielle et renforcent l’afflux de sang amené au cœur par chaque battement, lui donnant ainsi un surcroît de tonus.
Le Taiji peut également être utilisé pour soigner les maladies de la tension. Celle-ci peut avoir de nombreuses causes mais elles proviennent souvent d’un dysfonctionnement de l’activité corticale. Sous l’influence d’excitations extérieures trop souvent et trop longtemps répétées, les centres corticaux et sub-corticaux perdent leur coordination et les centres nerveux qui régulent la contraction et la dilatation des artères fonctionnent de manière trop rapide et désordonnée. La constriction des vaisseaux se fait plus importante et la tension s’élève. Le phénomène étant plus ou moins important en fonction des cas individuels. Par son action sur le système nerveux, le Taiji peut harmoniser la tension et l’aider à s’abaisser si elle est trop haute, tout comme d’ailleurs l’aider à remonter en cas d’hypotension.
En 1978, une étude a été réalisée par l’Institut de Médecine de Pékin sur deux groupes de personnes âgées, les unes pratiquant le Taiji et les autres non. L’enquête a démontré que chez ceux qui le pratiquait la tension était de 13,4 en moyenne sur 8.1 contre 15,4 sur 8.2 dans le second groupe. La même année, l’Institut de Médecine de Shanghai a réalisé une étude semblable sur un groupe de 80 personnes entre 50 et 79 ans qui pratiquait cette gymnastique et 141 personnes de la même tranche d’âge qui ne la pratiquait pas. Les cas d’hypertension artérielle furent trouvés plus de deux fois plus fréquents dans le second groupe que dans le premier. Des études du même type furent réalisées dans de nombreux centres de recherche chinois démontrant tous qu’une pratique du Taiji pendant une durée assez longue pouvait abaisser la tension excessive et lui redonner un taux normal.